Publié le 21 Mars 2012

 

Tristesse des jours sans visage, à travers le créneau de pluie de sa fenêtre
Jours de labeur aigu
D’écriture sans liesse
Jours aussi de paresse, d’onctuosité, d’adresse
Combien la malice ne m’a définitivement servi à rien ?
Et combien de faire le malin me dessert, chaque jour un peu plus
Qui peut bien défier, à travers le carreau de sa fenêtre, le fardeau lourd des jours à porter ?
Leur entrain futile
Leur indélébile clarté
Qui peut bien les défier de son intelligence 
Faire le poids face à la liquidité des jours ?
L’intelligence ne sert à rien
Seule importe la bonté
Infaillible mais rare
Tant les humains s’acharnent à la faire disparaître
– Sous des monceaux de prouesses techniques qu’ils échafaudent sans cesse–
Et pourtant elle seule importe :
La bonté, la beauté, la clarté.

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Rédigé par leboldu

Publié dans #Poésie

Publié le 5 Mars 2012

    

    En d’autres temps, les hommes avaient des dieux pour expliquer les phénomènes qu’ils ne comprenaient pas. La nature, l’eau, l’air, le feu, la mort, étaient représentés par des créatures mythologiques, qu’ils avaient probablement inventées. Et les artistes eux-mêmes, jusqu’à très récemment, y puisaient comme dans une manne pour nourrir leurs histoires, illustrer leur pensée, ou incarner leurs peurs et celles de leurs personnages. Mais le vingtième siècle a changé la donne. Non que ces mystères aient été élucidés, loin de là, ça c’est ce que l’homme se plaît à croire… Mais ils ont été peu à peu escamotés pour être remplacés –  à l’aune des grands conflits meurtriers du vingtième siècle, et leur lot de barbares sanguinaires –  par des nébulosités bien plus enfouies : la cruauté humaine, et ses épiphénomènes. Avec l’avènement de la technique, l’homme s’est peu à peu départi de ses mythologies fondatrices pour s’ériger en maître, et a remplacé les grandes interrogations capitales par les manifestations avantageuses de son pouvoir. Pour énigmatiques qu’elles soient, ces manifestations n’en demeurent pas moins son œuvre, et elle sont peu à peu devenues tout aussi incontrôlables. Il a substitué, aux peurs des confins de ce monde, aux mystères de la vie et de ses origines, au fantasme de l’ennemi qui se trouvait par-delà les frontières, les périls de son propre nombril. Il a engendré des phénomènes insubmersibles, incontrôlables, dévastateurs, dignes du démiurge qu’il est peu à peu devenu au regard de la Nature.

Je veux parler de la Rumeur, de la Bourse, de la Frénésie technologique, ou de la Publicité et de la Vitesse (ces fées ratés de l'électricité !). Tous ces phénomènes sont en réalité des manifestations humaines, que nous ne pouvons pas prétendre avoir en notre pouvoir, à partir du moment où nous leur avons « lâché la bride ». Elles fonctionnent sans nous. (Il suffit de constater avec quelle célérité la dernière crise boursière s'est propagée – ou son corollaire désormais obligé : la propension à en parler). Ces phénomènes sont trompeurs : ces « monstres », ce sont nous qui les avons inventés.  Ils pourraient donc être sous notre dépendance, si nous décidions de nous en réapproprier le contrôle. Mais il n’est apparemment pas dans notre volonté de le faire… Nous préférons les laisser se mouvoir, comme s'ils étaient extérieurs à nous, au besoin les diaboliser, pour bien nous en dédouaner. Est-ce parce qu'ainsi, en nous désolidarisant de leur paternité, nous espérons nous en déculpabiliser ? Pour qu'ils deviennent « autres » que nous ?... Comme des créatures vivantes, et autonomes... Il apparaît que nous nous sommes peu à peu dépossédés de notre démiurgisme, c'est-à-dire de notre capacité à créer des entités qui nous dépassent. Un peu comme il en était de ces fameux mystères que nous ne nous expliquions pas (dieu, les origines, la nature), ce sont devenus des « êtres vivants »... Par certains aspects, ils ont un rapport avec les créatures qui représentaient nos peurs. Ce sont des entités totalitaires, invisibles, et rampantes. Je me suis efforcé, dans certains de mes textes, de représenter ces figures en empruntant parfois à nos mythologies fondatrices. A partir du moment où ces mythologies sont mensongères - parce qu’inventées -, pourquoi ne pas en créer une nouvelle ?... Mon projet est d'inventer une sorte de mythologie qui les "renfermerait" toutes, une mythologie d'ordre n, si l'on peut dire, parce qu'elle en refermerait le cycle. Elle deviendrait alors la plus effrénée, puisqu’elle serait la dernière, et déroulerait ses rites et ses doctrines en une sorte de folie itérative qui serait comme l’écho de ces entités vertigineuses que nous avons créées. C’est à mes yeux le seul moyen de nous amener à reprendre le pouvoir. Nous permettre de nous réapproprier, par les archets de la pensée, ou de la création, la paternité de ces monstruosités incontrôlables que nous avons nous-mêmes engendrées.

 

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Rédigé par leboldu

Publié dans #Pensées