Publié le 27 Juin 2012

 

Dans l’immeuble où je vis on voit par la fenêtre
Les fenêtres des autres serrées autour d’une cour
Intérieure pavée recouverte de salpêtre
Sur laquelle glissent doucement toutes les lueurs du jour

Lorsque le soleil brille c’est un jeu de miroirs
Qui parlent et se répondent comme des étincelles
Mais, dès la nuit tombée, deviennent mornes tiroirs
Où ne se reflètent plus que les ombres et le ciel

Soudain une porte claque : mon coeur bat la chamade
Au rythme d’un tapis qu’une mégère apprivoise
Penché par son balcon, son mari vous regarde
Plein d’humaine défiance et de stupeur narquoise

Midi sonne et les vitres s’entrouvrent toutes ou presque
Pour permettre au fumet des pitances orientales
De monter dans la cour, en sourdes arabesques,
Reprises par le graillon de musiques atonales

Lors la cour se remplit d’une vie provisoire
Des voix d’enfants répondent au tintement des couverts
« Bientôt l’heure du feuilleton : Amour & Désespoir »
Annonce un patriarche de sa voix débonnaire

Il est ainsi des cours d’immeuble où tout se sait
Par le biais des fenêtres qui s’ouvrent à l’envi
Générant des images comme dans les reflets
D’un mirage oriental depuis longtemps enfui.

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Rédigé par leboldu

Publié dans #Poésie

Publié le 19 Juin 2012

Dans ma ville, rue du pré Saint-Gervais, il y a au moins trois coiffeurs qui portent le même nom. Pour peu que l’on regarde plus loin, dans les rues adjacentes, ce sont cinq ou six enseignes oeuvrant dans la même profession qui portent le même nom. Je me suis souvent demandé pourquoi. Evidemment, l’idée que ces gens proviennent de la même famille m’a effleuré l'esprit. Mais je me suis renseigné, et on m’a répondu que non, « que c’était le hasard ». Je n’ai pas voulu sombrer tout de suite dans le plaisir facile des calembours. Je suis allé me faire coiffer, une fois, deux fois. J’ai même pris une carte de fidélité, histoire de ne pas me ruiner. Mais aucune similitude ou trait commun ne m’a sauté aux yeux (en dehors du nom). Si bien que j’ai dû finir par renoncer. Dans ma rue, il y avait Tony AzarPablo Azar, et Jean Azar. Un peu plus loin, c’était Michel Azar & fils, Henry Azar - coiffures et Toni Azar - mais avec un i. Celui-là, je me suis toujours demandé, à part de la concurrence déloyale, ce qu'il faisait. Mais comment savoir, si ce n’est en s’attirant des ennuis, lequel a commencé par s'installer ?... D’autant que cela soulèverait peut-être d’autres problèmes. Pourtant, ces gens font forcément partie de la même famille. On ne porte pas le même nom dans une même rue sans qu’il y ait un petit rapport ?...

         Le grand-père Azar, chausseur, et dont le nom a depuis longtemps disparu comme tant d’autres déportés dans les graffitis du Drancy, laissa une dynastie de jeunes bambins aux coupes frangées et à la houppe légèrement dégarnie, vers 1950. Se sont-ils disputés pour l’héritage ? Ou bien ont-ils pâti de leur fardeau d’orphelin ? Et, cherchant à se démarquer, ont-ils trouvé dans cette vocation qu'ils croyaient contraire un moyen de se différencier ?... L’aîné, Tony avec un y, ne voulait pas être coiffeur. Mais une redoutable habileté aux ciseaux, que ses instituteurs ne manquèrent pas de lui déceler pendant sa scolarité, le prédisposa-t-elle à cette vocation ? Son cousin Jean, qui lui rejeta très tôt sa parenté, s’en alla-t-il combattre comme il le prétendit en ex-Yougoslavie, au point de revenir traumatisé à l'idée de faire usage du moindre objet non contondant - ciseaux et sécateurs compris ? Ces quelques exemples ne nous permettent pas d'expliquer l'alignement à l'identique de toutes ces devantures. Et l'on ne peut raisonnablement comprendre l’histoire de la famille Azar qu'en évoquant le cas du petit Toni.

          Ce dernier chercha en effet à regrouper toute la fratrie dans un vaste projet à échelle nationale. Il conçut des vitrines, faites sur le même moule, avec un code couleur. Mais il se heurta bien vite aux réticences des autres membres de la famille, qui chacun voulait faire son beurre dans leur coin, et il dut rectifier le tir. Une affaire d’argent détourné chez Henry Azar fit le reste... Les tiroirs caisses se refermèrent, et les projets de franchise aussi. Le pauvre Toni, qui avait voulu voir grand, dut renoncer à son rêve - non sans avoir retiré auparavant le y sur sa devanture, qu’il partageait pourtant depuis toujours avec son cousin germain (Tony). Après, ce ne fut plus que débandade, concurrence déloyale, coups d’épées dans le dos... Les différents frères en arrivèrent bientôt à se détester, sans que la signalétique foncièrement identique de leurs devantures (noir et blanc et argent) soit modifiée. D’où cette ambiance, et cette défiance… Les coiffeurs de la rue du pré Saint-Gervais sont en réalité des frères ennemis qui se détestent. C’est la raison pour laquelle je me suis souvent demandé en passant devant pourquoi ils continuaient à garder les mêmes devantures. Certains mystères de ma commune demeureront toujours impénétrables.

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Rédigé par leboldu

Publié dans #Journal

Publié le 15 Juin 2012

     L’ampoule n°8 sort ce jour avec pour thème Alcôves & Souterrains. Avec à l'intérieur une des nouvelles de mon recueil Symphonie fiduciaire et autres nouvelles, republiée pour l'occasion. 

       Cliquez sur la photo pour la découvrir...

Cimetiere-sous-la-neige    

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Rédigé par le boldu - blog littéraire