Publié le 16 Février 2016

  

 L'année dernière, à la même heure, je prenais le poste de professeur des écoles-remplaçant dans la cité du Londeau, à Noisy-le-sec. Je m'en souviens comme si c'était hier. Le temps était clair. Les tours de la cité se découpaient de façon particulièrement ciselée, sur le ciel bleu. L'inhumanité de ce bout du monde m'apparaissait, dans son éclatante crudité. Les cours d'écoles étaient compartimentées, dans un grand enclos de tours. Partout, des parkings à l'abandon débordaient de voitures, de moteurs démontés, de pneus crevés. On ne pouvait pas faire un pas sans tomber sur la vue d'un campement, ou d'une bretelle de circulation peinturlurée de partout. Tout était laid. Il n'y avait pas le plus petit espace de respiration pour les gens, en dehors de la scintillation sporadique d'un rayon de soleil qui jouait, ici ou là, sur les capots. Les élèves étaient tous d'origines rom, portugaise, maghrébine, etc... Les instituteurs répandaient une savante aura d'intimidation dans leur sillage, faite de la brutalité dont ils auraient besoin pour se protéger. L'un d'eux devait d'ailleurs m'avouer au bout de cinq jours : « C'est en travaillant ici que j'ai découvert ma propre cruauté ». Les écoles du 9-3 sont pour la plupart dans un tel état d'abandon. Un professeur par semaine y tombe en dépression. S'il y avait un espoir, dans les années 80, celui-ci s'est éteint sous des décennies de démagogie, et de surenchère dans la perte d'autorité. La cité du Londeau est un exemple de cet échec, avec ses voitures qui serpentent, le long des parkings, et ses tours s'élevant comme des coups de poignards dans le haut ciel indifférent. Un jour viendra où plus personne ne voudra venir enseigner ici...

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Publié dans #Journal

Publié le 11 Février 2016

 

     « Les changements constatés dans les relations de production et de pouvoir et dans les relations interpersonnelles aboutissent à une transformation des fondements matériels de la vie sociale, de l'espace et du temps. L'espace des flux domine désormais l'espace des lieux. Au temps de l'horloge, propre à l'ère industrielle, désormais annihilé par la technologie, a succédé un temps intemporel. La circulation du capital, l'exercice du pouvoir et le tourbillon des communications électroniques passent par des flux d'échanges entre un certain nombre d'endroits choisis, éloignés les uns des autres, alors que les expériences individuelles, atomisées, restent confinées dans des lieux. La technologie comprime le temps en quelques instants aléatoires, privant la société de continuité et la durée d'historicité. En isolant le pouvoir dans l'espace des flux, en permettant au capital d'échapper au temps et en dissolvant l'Histoire dans la culture de l'éphémère, la société en réseaux arrache les relations sociales au concret et invente une culture de la virtualité réelle. »

Manuel Castells, L'ère de l'information, T. 3

(* Par culture de la virtualité réelle, l'auteur entend ici un système où la réalité elle-même (c'est-à-dire l'expérience des hommes, matérielle et symbolique) étant totalement immergée dans les images virtuelles et les simulacres, les symboles ne sont pas seulement des métaphores mais la réalité vécue. [...] La virtualité tend en effet à devenir notre réalité parce que c'est dans le cadre de ces systèmes symboliques sans lieu, sans durée, que nous élaborons nos catégories et produisons des images qui conditionnent les comportements, engendrent la politique, nourrissent les rêves et déclenchent les cauchemars).

L'hypothèse cybernétique

Glossaire

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Publié dans #Pensées

Publié le 4 Février 2016

Localisation : il fut découvert dans les eaux marécageuses de l’embouchure du Sewa, en Sierra Leone, le 11 janvier 1938.

Caractéristiques : Squelette interne de type osseux, avec une protection extérieure semblable aux lamellibranches. (L’exemplaire photographié correspond à un mâle adulte.)

Mœurs : animal grégaire. Il vit en colonies variables (de 6 à 30 individus). Extrêmement sociable, il ne fuit pas le contact de l’homme avec lequel il se montre affectueux et primesautier. La voix humaine l’énerve, ce qui oblige à l’approcher en silence. A remarquer : le fait qu’il utilise des « armes » pour attraper les poissons dont il se nourrit. La parade nuptiale est particulièrement curieuse. Le mâle poursuit la femelle trois jours durant en émettant un cri caractéristique : « Criiia-Cluc » (auquel elle répond en faisant des sauts verticaux et en tournant sur son axe principal). Le quatrième jour, la femelle s’introduit complètement dans la coquille du mâle ; l’accouplement dure trois secondes. Pendant ce laps de temps, la coquille du mâle émet des radiations lumineuses intenses, d’un ton bleu blanchâtre, ce qui en fait un objectif facile pour les oiseaux prédateurs. Les individus plus âgés de la colonie sont tués à coup de bâton par les plus jeunes et sacrifiés aux déprédateurs. Aucun cas de cannibalisme n’a été observé.

Ce spécimen a été présenté lors de l'exposition de Joan Fontcuberta, Camouflages (2014), à la Maison de la photographie.

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Publié dans #lectures