La main

Publié le 23 Janvier 2013

    

        À l’autre bout du fil, le rebouteux lui recommanda de ne pas s’en faire et de rester là où il était — car il serait là dans une demi-heure. Mais, une demi-heure plus tard, cependant, le rebouteux n’était toujours pas arrivé, et Achiléum recommença à se morfondre : « Ohlala. Mais qu’est-ce qu’il fiche ? Ça fait plus d’une demi-heure que je l’attends ! S’il ne se dépêche pas ma jambe va finir par se déshydrater…» Le rebouteux, cependant, n’arrivait pas et, s’il manquait à ses plus élémentaires obligations — ou, en tout cas, à sa parole —, c’est parce qu’il venait lui-même de pâtir d’un cas de force majeure inattendu. Après avoir raccroché, monsieur Mim s’était en effet apprêté pour le rejoindre. Il avait regroupé toutes ses affaires dans son cabas, s’était habillé, et c’est alors qu’il avait remarqué, en enfilant son pardessus, que son oreille était restée collée au combiné (probablement suite à leur conversation). « Voila qui est fâcheux, s’était-il dit. Comment vais-je pouvoir aller chez ce patient si je n’ai pas mon oreille, qui est la seule à avoir entendu ses précieuses indications pour s’y rendre ? » Monsieur Mim avait détaché délicatement son oreille et, l’ayant examinée, s’était rendu à l’évidence : il n’en tirerait plus rien. Fort heureusement pour lui, monsieur Mim avait plus d’une oreille dans son sac, et il s’empressa de s’en greffer une autre, un peu plus grande que la précédente — mais manifestement tout aussi peu attentive car à peine l’eut-il remplacée qu’il en oublia complètement l’histoire de ce pauvre monsieur, et partit faire sa tournée.

    La main (extrait), Symphonie fiduciaire et autres nouvelles

 

Rédigé par le boldu - blog littéraire

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