Les jardins statuaires

Publié le 10 Novembre 2015

Les jardins statuaires est un livre de Jacques Abeille, publié en 1982, qui n'a véritablement connu de reconnaissance qu'avec les éditions Attila, vingt ans plus tard. Les vicissitudes de sa publication, puis de sa republication – alors que le manuscrit s’était manifestement perdu dans un incendie –, sont racontées sur la quatrième de couverture. C'est un cas d'école en ce qui concerne l' « amnésie » éditoriale. D'après moi, Les jardins statuaires est l'un des premiers livres à avoir hissé l’heroïc fantasy au rang de littérature. De la même façon que Ray Bradbury, avec ses Chroniques martiennes, éleva la science-fiction au degré de poésie – et ce sans craindre de paraître réducteur pour l'une ou l'autre catégorie–, Jacques Abeille réussit ce pari, avec Les Jardins Statuaires. L’écriture est ample, généreuse, un peu comme chez Proust : on est enveloppés dans sa douceur. (Gracq est d'ailleurs mentionné sur la quatrième de couverture, aux côtés de Tolkien et de Mervyn Peake). Jacques Abeille honore ces références, parce qu’il crée un monde à lui, avec des personnages subtils, et une mythologie personnelle qui, sans être tarabiscotée, évolue. Son narrateur est envoyé dans un monde où on cultive des statues. On les y fait pousser, puis on les sculpte, et on les fait grandir ensuite dans des enceintes fortifiées. Les femmes sont isolées – sans qu'on comprenne vraiment pourquoi. Le narrateur est chargé d’effectuer un rapport pour le compte de l’endroit d’où il vient – une ville que l'on ne découvrira que dans le troisième volume. Il y rencontre une femme, converse avec les jardiniers. La suite, Les Barbares, est tout aussi étonnante. Assez bizarrement, c’est la dernière partie, La barbarie, la plus mince, et probablement aussi la plus pauvre, qui donne sa dimension contemporaine à un diptyque qui aurait pu passer sans cela pour une fantaisie écrite en dehors des critères de notre époque. La barbarie est une fable kafkaïenne sur l’entêtement que nous manifestons à nous surveiller, et qui nous éclaire un tant soit peu sur le reste du cycle et sur ce monde fabuleux des Contrées que nous n'aurions peut-être jamais dû, à y bien réfléchir, quitter... Il y a probablement une certaine « nostalgie » dans ces Jardins statuaires – une mélancolie de l'époque moyenâgeuse, de ses valeurs, de sa "noblesse" – qui le ferait classer dans les livres réactionnaires par les critiques littéraires s'ils le lisaient. Mais ils ne le lisent pas.

Rédigé par le boldu - blog littéraire

Publié dans #lectures

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