Le carré d'art

Publié le 3 Janvier 2013

800PX-~1    C’est en 1952 que le grand théâtre de Nîmes fut incendié. Cela se produisit dans des circonstances plus ou moins troubles. On raconte que la mère d’un ténor, qui n’aurait pas été retenu par le chef d’orchestre, aurait mis le feu à l’endroit. L’affaire fit grand bruit. L’opéra, quant à lui, périt corps et biens, à l’exception de quelques colonnes de la façade, qui furent laissées telles quelles pendant près de trente années. Bon nombre de touristes eurent l'occasion de les prendre pour un prolongement de la Maison Carrée (construction antique). Le scandale se tassa. Ce n’est qu’à l’orée des années quatre-vingts, quand il fut question d’ériger à la place une bibliothèque, que l’on recommença à parler de ces colonnes. Fallait-il les déplacer ? Depuis le temps qu’elles étaient là... Ne faisaient-elles pas partie du décor ?... Les Nîmois montèrent au créneau. Pouvait-on décemment envisager de toucher au patrimoine de la ville – un patrimoine qu’une méprise faisait prendre depuis plus de trente ans pour des vestiges gallo-romains ?... Des polémiques s’engagèrent. Toutes vraisemblablement stériles puisqu’en définitive, les colonnes disparurent un beau matin sans crier gare. Elles ne devaient réapparaître que quelques mois plus tard – sur une aire d'autoroute, l’A54. Entre temps, le projet de bibliothèque avait commencé de grimper. Renversement des rôles : ce n’étaient plus les colonnes que l’on prenait pour un prolongement de la Maison Carrée, à présent, mais cette dernière qui avait l’air d’une «annexe» de la bibliothèque. Quoiqu’il semble au bas mot trois fois plus grand qu'elle, le «Carré des Arts» n’est pourtant pas une œuvre déshonorante. On a même l’impression, à côté de la Maison carrée, de se trouver en face de deux temples d’ères différentes. (Les dieux, entre temps, auraient changé de visage.) Et tout ce qui semble rester de l'ancien théâtre ne se résume qu'aux noms, sur les plaques de rues autour (Voltaire, Corneille, Racine), sommités auxquelles les petits dealers du coin apportent leur 1% artistique en recouvrant au petit bonheur les murs de tags et de graffitis.

Suite : Aire de Caissargues (Autoroute 54)

Rédigé par le boldu - blog littéraire

Publié dans #Journal

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