Veilleur de nuit (III)

Publié le 9 Octobre 2012

 

      Les rondes du passage Jouffroy consistent à aller d’un bout à l’autre de la galerie, vers minuit, deux heures et quatre heures du matin. Aucune nécessité n'y préside, en dehors de la volonté de la société d’assurances qui gère le passage. Des années plus tard, je repenserai à ces épuisantes allées et venues, le plus souvent dans le coaltar, en hiver ou en été, dans la froideur du gel qui emprisonne le carrelage ou sur la tiédeur du pavé caniculaire. Je voyais défiler, endormi, les vitrines de toutes les sortes et de toutes les époques. Parallèles ou boisées, longues ou larges, déclives ou ornementées. Tout cela en une captivante ligne de fuite, penchée, sur le côté. Mais pour le moment, elles me cassent plutôt les pieds, ces rondes... Et je dois faire en sorte de les accomplir quand ça m'arrange. Une impression me revient. Lorsqu’on introduit la clef du « mouchard » dans le boîtier d'assurance, on se sent comme prisonnier. C'est comme si on ne faisait plus qu'un avec le passage. Comme si on était enchaîné au mur par la petite chaîne qui relie le boîtier à la clé, et cela crée, je ne sais pourquoi, une identification avec les lieux des plus étrange.

 

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Rédigé par le boldu

Publié dans #Journal

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